Il m’est arrivé dernièrement de vibrer dans un lieu, ou tout y était libre, la générosité de l’exposition fut belle. Je n’avais qu’à jouir de l’instant, jouir de l’instant dans mon silence le plus absolu. M’enivrer de mon intérieur, presque égoïstement. Rien ne peut partager ce moment, dans notre unique tout reste en nous et construit notre innocence. C’est une rupture totale avec l’extérieure. Cela nous entraîne dans une abyssale poésie qui nous conscientise. J’ai mis très longtemps à comprendre la mécanique de ce silence, même si aujourd’hui, je ne sais toujours pas pourquoi tel trace, lumière, son... vibrent en moi.
Dans le moment ou j’écris, mon jardin est brodé
d’oiseaux, ciselé de lumière parfumé de couleur forment l’onde silencieuse où je me retrouve avec ma page blanche. Pas même le nuage qui écrit ma main n’ombre le silence de l’instant.
«l’instant» est presque une formule magique (125/8), un passager clandestin du point de départ à quelque chose. Il est mon envie, chatouille ma rétine, frise mon odorat. Un aléa du comment, choisissant le pourquoi. Il joue avec l’instinct. L’instant forme une dimension, une matière organique sensuel avec le sujet. Il devient matière vivante, subtil, sauvage irréductiblement esthétique. Il forge la forme plastique de mon silence.
Ce point de départ ouvre à la technique du choix de captation, il intervient implicitement dans la démarche, une réflexion intuitive. Il me faut dans ce monde noir du silence, ajuster la figure par la forme, contraindre l’inconcevable, faire de ce moment le plus vivant des « Silences ». La photographie se joue en conscience affective, ne rien dire et le monde s’ouvre à soi. Finalement, le sujet est presque anonyme, c’est après dans la conception définitive qu’il reprendra sa place. Tout comme la technique de captation, c’est juste un crayon, un moyen.
Alors l’instant devient unique se mariant avec l’instinct, formant un miroir a nous-même. Dans ce paysage, c’est un tout, c’est une silencieuse nature, ou plutôt une discrète nature. Tout ici est signe de vie, presque inaccessible à nos sens et pourtant si intérieur. C’est presque immuable, elle fixe à nous, l’imposante sagesse. Mesurant inlassablement notre échelle. Il faut presque désespère de pouvoir faire rentrer dans le format, la scène. Ouvrir plus large pour perdre l’horizon, à tailler au plus serrer pour perdre le phrasé, l’enfermer dans une règle de tiers... À chaque tentative, son silence me transperce venant interrompre ma capture. Émerge le doute.
C’est ce doute qui me fait faire ce temps, inlassablement, je pose, repose ma question.
Quelle est la part de moi ou du sujet, es-ce un tout ou juste un instant donné ? Qui est l’autre ? Qui est moi ? Ce fragile moment, jeux d’équilibriste entre réalité et soi se poursuit longtemps après la captation. Il me faut toujours un temps de maturation pour obtenir ou plutôt deviner à apercevoir ce que va être le résultat final de ce temps de pose. La palette est large, les moyens sans fin.
Il y a dans l’instant toute l’histoire de l’endroit, de l’objet, es ce du corps, es ce un spectre de l’humanité. Je photographie une part de cette humanité sans le vouloir, elle est présente dans le sténopé, dans le 6 x 6 ou dans le numérique. L’aura est dans le cliché, que l’on le veuille ou non, cette humanité transpire, transcende le moment. C’est d’autant plus vrai que l’apparition du lointain est prolongée par le principe même du tirage unique, en gomme bichromate ou palladium. Elle devient une image « Culte ». Toutes ses prises de vue-tirages deviennent des terres lointaines, intérieur, insondables. Le voile posé rend la nudité de l’objet envoûtant, inaccessible et pudique. Ce n’est jamais assez nue, allez plus loin dans l’invisible, dans la folie figurative qui démontre et cache sa foi.
Silence
Tirage Epson P20 000 sur Rag Photographique Infinity Canson 310g-
format 30x40 ou +
13 / trois lecture: tirages collectionneur
certificat d'authenticité ArtTrust
tarif de base: 130e